"Assurance chômage : De la solidarité à la servilité"
"Assurance chômage : De la solidarité à la servilité
L’Assurance chômage est basée à l’origine sur des principes de solidarité : ceux et celles qui ont un travail cotisent pour ceux qui n’en ont pas. Pourtant, de conventions Unedic en dispositifs « d’accompagnement » des chômeurs, en cinquante ans, l’Assurance chômage a changé de nature. Retour sur un putsch qui permit au patronat de faire main basse sur le dispositif.
Actuellement, tout l’enjeu des organisations patronales est de nous faire croire que le chômeur indemnisé l’est grâce à leur générosité et leur mansuétude. Mais si on remonte à la fin du XIXe, on tombe sur un grand nombre de caisses de secours aux chômeurs, presque toutes d’origine syndicale. En 1905, le parlement, à majorité radical-socialiste, décide d’intervenir en faveur de ces caisses de secours en les finançant. Peu d’évolutions ensuite, puisque la proposition en 1936 par Léon Blum de créer un fond national de chômage reste lettre morte. Le programme du Conseil national de la Résistance en 1944 ne s’intéresse quant à lui que très peu au chômage, période de reconstruction aidant.
Plus d’argent dans les caisses ?
Dès 1956, les négociations entre syndicats et organisations patronales aboutissent à l’accord du 31 décembre 1958. L’Unedic [1] est créée, organisation paritaire associant les « partenaires sociaux » dans la définition d’une convention renouvelée tous les trois ans et qui précise les modalités de l’indemnisation. La première décennie est heureuse : les caisses sont pleines et les cotisations sont définies à 80 % pour la part patronale et 20 % pour la part salariale. Mais la crise économique des années 70 donne aux organisations patronales, sous prétexte d’un effrayant déficit, la possibilité d’inverser magistralement toute la logique de solidarité qui instituait la philosophie de l’Assurance chômage. Plus d’argent dans les caisses ? Bien sûr, mais à qui la faute ?
La CFDT, fidèle alliée du patronat
A l’origine, le financement de l’indemnisation est assuré à 50 % par l’Unedic et à 50 % par l’État. Or, en 1977, la part de la puissance publique tombe à 24 %. En 1979, le gouvernement Pompidou somme les « partenaires sociaux » de modifier la convention. Celle-ci se révèle évidemment en faveur du patronat qui voit sa part de cotisation baissée à 60 %. Dès lors, les conventions se font de plus en plus défavorables à l’égard des chômeurs, imposées par les organisations patronales qui trouvent dans la CFDT, opérant alors son « recentrage syndical », l’allié parfait leur donnant les voix qui pouvait auparavant leur manquer. On passe alors de 36 mois d’indemnisation en 1979 à 24 mois actuellement. Les conditions d’indemnisation deviennent quant à elles de plus en plus drastiques, laissant sur la paille les travailleurs précaires, et n’indemnisant à ce jour que trois à quatre chômeurs sur dix. Ajoutons que les fraudes aux cotisations sociales des patrons, toutes entreprises confondues, s’élèveraient à 30 %, c’est-à-dire entre 8 et 14 milliards d’euros par an. De quoi refinancer largement quelques caisses…
Dressage des allocataires
Une fois que le patronat réussit à faire main basse sur le dispositif de l’Assurance chômage, il peut en détourner tous les mécanismes. Les réorientations multiples des missions de l’ANPE [2], couronnées par sa fusion avec les Assedic [3] en 2008 sous la structure unique du Pôle emploi, détournent la finalité première des accompagnements aux chômeurs pour en faire des structures de dressage des allocataires. Aux conseils et formations permettant aux chômeurs de se réorienter ou de développer leurs compétences se substituent des entretiens mensuels de dix minutes qui n’ont plus vocation à les aider mais uniquement à leur rappeler que le moindre faux pas leur vaudra d’être radiés, des formations tournées uniquement vers des emplois de bas niveau de qualification destinés à une employabilité immédiate dans des secteurs extrêmement précaires. En quelques décennies, le patronat, avec l’indispensable complicité de la CFDT, a su transformer un modèle de solidarité en un idéal patronal de servilité.
François (AL Paris Nord-Est) "
Source:Alternative libertaire.org
"Assurance chômage : De la solidarité à la servilité
L’Assurance chômage est basée à l’origine sur des principes de solidarité : ceux et celles qui ont un travail cotisent pour ceux qui n’en ont pas. Pourtant, de conventions Unedic en dispositifs « d’accompagnement » des chômeurs, en cinquante ans, l’Assurance chômage a changé de nature. Retour sur un putsch qui permit au patronat de faire main basse sur le dispositif.
Actuellement, tout l’enjeu des organisations patronales est de nous faire croire que le chômeur indemnisé l’est grâce à leur générosité et leur mansuétude. Mais si on remonte à la fin du XIXe, on tombe sur un grand nombre de caisses de secours aux chômeurs, presque toutes d’origine syndicale. En 1905, le parlement, à majorité radical-socialiste, décide d’intervenir en faveur de ces caisses de secours en les finançant. Peu d’évolutions ensuite, puisque la proposition en 1936 par Léon Blum de créer un fond national de chômage reste lettre morte. Le programme du Conseil national de la Résistance en 1944 ne s’intéresse quant à lui que très peu au chômage, période de reconstruction aidant.
Plus d’argent dans les caisses ?
Dès 1956, les négociations entre syndicats et organisations patronales aboutissent à l’accord du 31 décembre 1958. L’Unedic [1] est créée, organisation paritaire associant les « partenaires sociaux » dans la définition d’une convention renouvelée tous les trois ans et qui précise les modalités de l’indemnisation. La première décennie est heureuse : les caisses sont pleines et les cotisations sont définies à 80 % pour la part patronale et 20 % pour la part salariale. Mais la crise économique des années 70 donne aux organisations patronales, sous prétexte d’un effrayant déficit, la possibilité d’inverser magistralement toute la logique de solidarité qui instituait la philosophie de l’Assurance chômage. Plus d’argent dans les caisses ? Bien sûr, mais à qui la faute ?
La CFDT, fidèle alliée du patronat
A l’origine, le financement de l’indemnisation est assuré à 50 % par l’Unedic et à 50 % par l’État. Or, en 1977, la part de la puissance publique tombe à 24 %. En 1979, le gouvernement Pompidou somme les « partenaires sociaux » de modifier la convention. Celle-ci se révèle évidemment en faveur du patronat qui voit sa part de cotisation baissée à 60 %. Dès lors, les conventions se font de plus en plus défavorables à l’égard des chômeurs, imposées par les organisations patronales qui trouvent dans la CFDT, opérant alors son « recentrage syndical », l’allié parfait leur donnant les voix qui pouvait auparavant leur manquer. On passe alors de 36 mois d’indemnisation en 1979 à 24 mois actuellement. Les conditions d’indemnisation deviennent quant à elles de plus en plus drastiques, laissant sur la paille les travailleurs précaires, et n’indemnisant à ce jour que trois à quatre chômeurs sur dix. Ajoutons que les fraudes aux cotisations sociales des patrons, toutes entreprises confondues, s’élèveraient à 30 %, c’est-à-dire entre 8 et 14 milliards d’euros par an. De quoi refinancer largement quelques caisses…
Dressage des allocataires
Une fois que le patronat réussit à faire main basse sur le dispositif de l’Assurance chômage, il peut en détourner tous les mécanismes. Les réorientations multiples des missions de l’ANPE [2], couronnées par sa fusion avec les Assedic [3] en 2008 sous la structure unique du Pôle emploi, détournent la finalité première des accompagnements aux chômeurs pour en faire des structures de dressage des allocataires. Aux conseils et formations permettant aux chômeurs de se réorienter ou de développer leurs compétences se substituent des entretiens mensuels de dix minutes qui n’ont plus vocation à les aider mais uniquement à leur rappeler que le moindre faux pas leur vaudra d’être radiés, des formations tournées uniquement vers des emplois de bas niveau de qualification destinés à une employabilité immédiate dans des secteurs extrêmement précaires. En quelques décennies, le patronat, avec l’indispensable complicité de la CFDT, a su transformer un modèle de solidarité en un idéal patronal de servilité.
François (AL Paris Nord-Est) "
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